Démotiver ? Cest hyper rapide ! « L’impuissance apprise « 

Comment enseigner le découragement en 5 minutes
Je suis tombé sur une vidéo très intéressante qui tourne pas mal sur les réseaux sociaux ces derniers jours. On y voit Charisse Nixon, prof de psychologie à la Penn State Behrend (Pennsylvanie), proposer un exercice très simple à ses étudiants.

Chacun d’eux reçoit une feuille sur laquelle figurent trois mots et doit trouver une anagramme pour chaque mot. Dès qu’ils ont trouvé la première anagramme, les élèves doivent lever la main. Très rapidement, la moitié de la classe trouve, lève la main, laissant l’autre moitié perplexe. La prof demande de passer au deuxième mot, là aussi la moitié de la classe trouve très vite et lève la main, pendant que l’autre moitié est de plus en plus dépitée.

Tout l’intérêt de cette petite expérience réside dans le fait que le troisième mot est le même pour tout le monde. Pourtant, seuls les élèves qui avaient les anagrammes faciles trouvent l’anagramme, aucun élève à qui on avait donné deux premiers mots impossibles ne trouve le troisième.

« Repensez à ce qui ce passait en vous, à l’école  quand vous avez vu  » les meilleurs «  lever la main car ils avaient résolu un exercice et pas vous. Qu’avez-vous ressenti à ce moment-là ?

– Je me suis senti stupide.

– J’avais envie de partir.

– Je me sentais encore plus confus.

– Frustré…

– J’ai perdu confiance en moi.

En fait …vous venez de faire l’expérience de l’impuissance apprise, conclut C. Nixon.
« L’impuissance apprise ».
Ce que Charisse Nixon vient de mettre en évidence de manière spectaculaire est l’impuissance apprise (parfois désignée sous le terme de résignation acquise) traduction française du Learned Helplessness théorisé par le psychologue comportementaliste américain Martin Seligman, un des premiers à s’intéresser aux « modifications comportementales induites par l’exposition à l’incontrôlabilité ». Dans les années 60-70, Seligman montre qu’un animal exposé à de petites décharges électriques incontrôlables s’enfonce dans l’apathie et la résignation et ne discerne plus les moments où il peut contrôler la situation. Le sujet intègre durablement que ce qui lui arrive est indépendant de son comportement, ce qui a trois conséquences

– il a du mal à comprendre qu’il peut avoir prise sur les événements (déficit cognitif)

– sa motivation baisse fortement, il n’émet plus de réponses volontaires (déficit motivationnel)

– il s’enfonce dans une forme de dépression (déficit émotionnel)

Chez l’homme, des comportements similaires sont observés, à quoi il faut ajouter : de la frustration, de l’agressivité dans certains cas, de l’abattement et une chute de l’estime de soi la plupart du temps, surtout si le sujet observe que d’autres parviennent à faire ce qui lui échappe. L’homme développe aussi des stratégies spécifiques : puisqu’il est mis en situation d’échec, il minimise son investissement personnel dans la suite de l’expérience, afin de pouvoir expliquer un nouvel échec par un manque d’efforts plus que par un manque de capacités.
Le psychologue canadien Marc Vachon estime que l’impuissance apprise repose sur trois caractéristiques :
– le sentiment que la situation est permanente, ce que trahit l’utilisation de mots comme toujours, jamais, personne, etc. « Je n’y arriverai jamais ! »
– le sentiment d’être victime, que l’on retrouve dans des phrases telles « Ce n’est pas ma faute ! Je n’y peux rien. »
– le sentiment d’envahissement : tous les secteurs de notre vie sont affectés par le changement.

Résignation et échec scolaire

On peut observer les conséquences de l’impuissance apprise dans tous les domaines de la vie quotidienne, notamment professionnel. La manipulation de Charisse Nixon, dans la vidéo, est également là pour rappeler que, menée à haut degré de subversion, l’impuissance apprise est une arme redoutable, utilisée par exemple dans les interrogatoires à Guantanamo.

Pour ce qui nous concerne, l’impuissance apprise est une manifestation psychologique que l’on retrouve fréquemment à l’école, dans les situations d’échec scolaire.

Tout enseignant aura reconnu, dans les termes décrits ci-dessus, l’élève en difficulté qui s’enfonce petit à petit dans la certitude qu’il n’est pas capable, qu’il n’y arrivera pas, qu’il a beau essayer, les résultats viennent montrer son incapacité à comprendre, à faire, à essayer, à oser. Son estime de soi est mauvaise, voir les autres réussir renforce ces sentiments. Son degré de motivation est fluctuant, dans le meilleur des cas ; il « s’évade » dès qu’il peut, se soustrait au groupe dont il se sent de facto exclu. Il peut s’enfermer dans une attitude physique de renoncement, de fatigue continuelle. Afin de rétablir l’équilibre psychologique interne, il peut développer des comportements agressifs, voire violents, envers ses pairs et / ou l’adulte. A mesure qu’il grandit, l’impuissance apprise s’enfonce profondément en lui, plonge ses racines là où elle sera bientôt hors de portée, comme inscrite définitivement dans son ADN d’écolier.

Comment lutter contre l’impuissance apprise, alors ?… On perçoit, à travers l’explication du phénomène, quels peuvent être les leviers : la confiance en soi, l’estime de soi, donc la valorisation, notamment face au groupe, la nécessité de réussir régulièrement et de ne pas être confronté continuellement à l’échec, donc la différenciation, le maintien par l’enseignant d’une attitude résolument positive et notamment la maîtrise par l’enseignant de son discours et du vocabulaire employé, le travail en petits groupes fondé sur l’étayage par les pairs…

Et, quoiqu’il arrive, une attitude bienveillante, ce qui est plus facile à dire qu’à faire en toute occasion, car l’enseignant peut aussi se sentir démuni, agacé, … impuissant.

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